Textes de Gisèle Bianchi, d’après Charles DICKENS – Musique de Joël Clément,
L’équipe
Joël Clément, Patrice Lattanzi, Sophie Pastrana, Robert Bianchi, Philippe Vernet, Hubert Arnaud, Andrée Vinatzer, Gisèle Bianchi, Gil Chovet, Isabelle Bianchi.
Sept personnages de Charles Dickens se rencontrent et se racontent, donnant lieu à des situations souvent drôles et toujours inattendues. Un huitième personnage constitue la clé du spectacle : il porte en lui les préoccupations, les rêves, les dépits des petites gens d’aujourd’hui. Il emmène le spectateur au fil de son imaginaire aidé en cela par ses deux exutoires : son piano, et l’œuvre de Dickens.
Naissance du projet
À la suite du spectacle « Le peuple du bitume », nous avons été sollicités par des membres du secours populaire ayant estimé, au vu de notre travail sur le thème des sans-logis, que nous serions en mesure de traduire sous une forme théâtrale la « substantifique moelle » des « Cahier de l’an 2000 » (cahiers largement diffusés, par les membres du secours populaire, sur tout le territoire français et ayant fait l’objet de rencontres, d’échanges, d’ateliers d’écriture, permettant de recueillir témoignages, réflexions, rêves, récriminations…, émanant de personnes d’âges et de milieux très diversifiés.)
Ce projet nous est apparu comme une suite logique à la démarche que nous avons engagé en 1998, axée au préalable sur un travail journalistique, où les comédiens deviennent en quelque sorte « porte-parole ».
Ce spectacle s’inscrit parfaitement dans ce qui constitue notre ligne directrice: l’exploration du langage théâtral, la recherche, l’interrogation permanente sur notre force de communication, notre préoccupation constante étant de produire des spectacles aptes à être reçus, perçus de façon positive par des individus très divers, aux références multiples, représentatifs de la société.
Réflexion sur la démarche
Dans ce travail, nous nous sommes trouvés confrontés à une approche inhabituelle de la création théâtrale : nous avions devant nous des suggestions de personnages, existant uniquement à travers une écriture très succincte : quelques phrases, une opinion, un récit…
Selon Pirandello, « le drame est la raison d’être du personnage ». Ici, le drame (au sens théâtral du terme, sans connotation systématiquement péjorative) anticipait le personnage.
Des individus ne dévoilant qu’une petite parcelle d’eux-même se trouvaient ainsi livrés à notre imaginaire, semblant dire : « à vous de trouver ce qui manque, je vous ai donné l’essentiel ». Cependant, contrairement au théâtre de Pirandello, il s’agissait ici, avant tout, de personnes, d’êtres appartenant à la vie réelle. Nous devions faire face a une triple confrontation : les individus auteur des cahiers, les personnages en gestation, les comédiens et le metteur en scène. Cette situation a donné lieu à des affinités, mais aussi à des révoltes, des luttes, des conflits de pouvoirs.
Il était en effet inévitable que les personnages ne tentent de prendre le dessus sur les auteurs des cahiers, qui eux-mêmes criaient à la trahison, ou au contraire voulaient être magnifiés, revendiquer leurs aptitudes et devenir de vrais personnages dramatiques…
À la suite d’un important travail d’équipe « autour de la table », il nous est apparu comme une nécessité d’établir une distance avec les cahiers, d’arriver à la forme théâtrale par des sentiers détournés : nous avions lu le contenu de quelques centaines de cahiers, plusieurs grands thèmes ressortaient de façon évidente : il nous fallait trouver le moyen de transformer en théâtre cette matière brute tout en la respectant.
À l’aide Monsieur Dickens !
Je me trouvais dans un profond désarroi lorsque j’appelais à mon secours un maître en la matière : Charles Dickens. Sa richesse d’expression, ses personnages magnifiques et d’une grande théâtralité, apportaient la distance qui nous faisait faute et une ouverture sur l’imaginaire. Dickens rendait possible la dérision et l’humour là où régnaient la gravité et le pessimisme. Les phrases inscrites dans les cahiers sont mises en relief par l’éclairage du passé.
Le choix de cet auteur m’a été dicté aussi par la particularité de son œuvre, et le rapprochement qui ne pouvait manquer d’être fait avec notre objectif dans ce projet : Charles Dickens a tracé le portrait d’une époque en se plaçant du point de vue du peuple, de ces petites gens qui ont toujours eu peu ou pas du tout le droit à l’expression. Son travail de romancier était avant tout fondé sur une approche journalistique.
Gisèle Bianchi, le 20 avril 2000
Photos : Vincent JOLFRE - Affiche : Mathieu Bianchi